D) Rime minimale nulle

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    Certaines syllabes peuvent n’
être composées que d’une consonne,

alvéolaire ou rétroflexe, sans voyelle, mais suivie d’une résonance vocalique seule, produite au même point d’articulation que la consonne en question.

C’est la « rime minimale nulle » ou « finale nulle ».

On a dans ce cas, par exemple [ ʂ ̩], souvent transcrit [ʂɿ] par les linguistes sinisants.

Les combinaisons possibles sont :

 

[tˢɿ] (zi)

[tˢʰɿ] (ci)

– [sɿ] (si)

[t(ʂ)ɿ] zhi

[t(ʂ)ʰɿ] chi

[ʂɿ] shi

[ʐɿ] ri


    La voyelle i a pu
être utilisée puisque, comme on l’a vu, il n’est pas possible de rencontrer une seule syllabe composée d’une alvéolaire ou d’une rétroflexe modernes et d’une voyelle palatale (i ou ü). Elle ne note, dans ces cas, pas une voyelle mais indique que la consonne est vocalisée, c’est une « non voyelle ».


        E) Traitement des sonores du moyen chinois

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    Toutes les sonores (hors sonantes), [b, d̪, ɖ, g, d(z), z, d(ʐ), ʐ, ɟ, ʁ]

présentes en moyen chinois ont disparu en mandarin

(elles se sont conservées en wú et dans un partie du xiāng).

Son système phonétique n’en possède en effet plus aucune.

 

On trouve en effet en regard de :


° [b, d̪, ɖ, g, d(z), z, d(ʐ), ʐ, ɟ, ʁ]


les phon
èmes modernes

(si l’on considère qu’ils ne subissent pas la palatalisation) :


° [p, t ̪, t(ʂ), k, tˢ, s, t(ʂ), s(?), ʂ, ɕ].


    C’est-à-dire que les sonores donnent naissance à des sourdes non aspirées.


   
Pourtant, chéng [t(ʂ)ʰǝ̌ŋ] vient du moyen chinois dzyeng [ɟǝŋ] !

 

D’où vient l’aspiration ?

Il faut pour comprendre cela expliquer comment fonctionne

le système tonal du moyen chinois.


        F) Système tonal du moyen chinois

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[NDC. Pour de plus amples détails sur le système tonal, voir, même site et même hauteur http://site.voila.fr/fllcjvg/Tonales.htm]


    Il existait trois tons, de simples modulations sans r
éalisation précise quant à la hauteur. Ces trois tons sont nommés píngshēng, shǎngshēng et qùshēng,

soit « ton uni », « montant » et « partant ».


    On les retranscrit parfois ainsi :

 

° píng    => mjæng      = mǣng > míng

° shǎng => / bengX = béng   > bǐng

° qù      => dengH      = dèng    > dǐng



Comme on peut le voir, ces tons n’ont
pas donné respectivement le premier,

le deuxième et le troisième ton actuel.

 

Le mécanisme de transmission des ton dépend en effet, outre du ton de départ,

de la nature de la première consonne : celle-ci influe sur le ton d’arrivée,

et le ton de départ influe aussi sur la consonne d’arrivée.

Il y a interaction entre les tons et les consonnes initiales.


    Enfin, il existe un quatri
ème « ton » qui n’en est pas un.

Il s’agit du rùshēng, « ton entrant »,

qui marque plutôt une absence de ton sur une syllabe très brève

(syllabes qui ne se sont conservées qu’en mandarin des villes de

南京 Nánjīng et de Taiyuan (pas trouvée sur la carte).

 

 [ NDC :
Dans le Shanxi
山西, tai4yuan2, 太原, "la plus ancienne", à l'ouest de Pékin
(voir sur la page d'accueil du site
http://site.voila.fr/fllcjvg)

L'"autre" Sha(a)nxi, c'est 陕西, "à l'ouest des trabuqueïres", des montagnes à contrebandiers, capitale 西安, Xi'An, paix de l'ouest, les terracottas,

l'armée enterrée, au sud ouest de Taiyuan.
Nous sommes au cœur de la Chine médiévale ]

 

Ces syllabes brèves, nommées improprement « ton entrant» se caractérisent

par un élément final implosif, c’est-à-dire l’une des trois consonnes [p¬],[t¬] ou [k¬]. Ces consonnes, en mandarin commun, se sont vocalisées en [i], [u] et [Ø] respectivement :

le poète 李白 Lǐ Bái se nommait en fait LiX(ou Lí) Bæk (Bǣk),

où bæ-k [bæ̆k¬]  > bá-i [pǎj].

 

En proto-cantonais, les trois tons se sont divisés

(on considérera que le cantonais actuel possède six tons : trois registres – haut, moyen, bas – et trois modulations – unie, montante, tombante ;

le proto-cantonais, si j’ai bien compris, n’avait que deux registres : haut et bas) :

 pour un même ton, si la consonne initiale est sourde,

le registre (la hauteur de la voix) devient haut,

si l’initiale est sonore, le registre est bas.

 

On obtient donc les équivalences suivantes :

 

° píng + initiale sourde > registre haut, ton uni

+ initiale sonore > registre bas, ton uni

° shǎng + sourde > haut montant

+ sonore > bas montant

° qù + sourde > haut tombant

+ sonore > bas tombant


    Pour le mandarin, il n’existe pas de diff
érence de registres :

un ton ne s’y définit que par son contour, sa modulation.

Il n’y a donc pas eu cette division des registres.

En revanche, la nature de l’initiale a joué sur le ton d’arrivée :


° píng + initiale sourde > ton uni (1)

+ initiale sonore > ton montant (2)

° shǎng + occlusive sourde ou sonante > ton montant (2)

+ occlusive sonore > ton tombant (4)

(pour ce ton, il faut différencier les types de sonores, occlusives ou sonantes)

° qù > haut tombant (4)


    L’interaction entre le ton et la nature de l’initiale ne s’arr
ête cependant pas là :

en mandarin, en effet, si la syllabe porte le deuxième ton, que c’est un ancien píng

et que l’initiale est sonore, cette initiale devient ensuite une sourde aspirée.

 Voilà pourquoi dzyeng [ɟǝŋ] a donné chéng [t(ʂ)ʰǝ̌ŋ].

Le ton est píng, l’initiale est sonore, donc le ton devient une montée,

et l’initiale est aspirée.


    Enfin, il faut savoir qu’en mandarin, les anciennes syllabes r
ù ont pu donner n’importe quel ton, surtout le deuxième si l’initiale est une sonante, et le quatrième si l’initiale n’est pas une sonante. Ce n’est pas une règle absolue : bæk [bæk¬] n’est pas du ton píng, car cette syllabe se termine par une consonne, c’est donc une rù ; elle commence par autre chose qu’une sonante

mais son ton d’arrivée est le deuxième.

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